vendredi 14 mai 2010

DIX

La tempête tropicale qui s'était abattue sur la région était, depuis deux jours, devenu un ouragan, beaucoup moins pittoresque et surtout d'une violence qui nous confinait à l'intérieur de l'hôtel, entassés les uns sur les autres. Les vacances étaient ainsi passées de un peu à très ennuyeuses. J'attendais donc le dernier moment pour quitter ma chambre et rejoindre les visages inquiets dans le grand salon de l'hôtel. Le moment où la femme de ménage me mettait dehors. L'hôtel en question était passablement délabré. Il gardait les stigmates de luttes successives entre différents styles de gouvernement et on voyait très bien comment il avait traversé l'opulence puis l'austérité, et ce de façon répétée. 
Sentant le vent tourner au sein de sa clientèle, dont l'angoisse devenait chaque matin un peu plus palpable, le directeur de l'hôtel avait, dans la nuit, redécoré le grand salon pour lui donner l'allure rétro des anciennes boites à calypso et avait préparé pour la nuit à venir une soirée musicale. Une estrade avait été dégagée pour accueillir un orchestre et la joie avait donc ce matin là remplacé l'inquiétude sur les visages des vacanciers et des quelques habitués de l'hôtel. La perspective de voir ces faciès effondrés montés sur les corps asthéniques des grabataires du cinquième âge qui formaient la plus grande partie de la clientèle du carribean palm m'engagea sur le champ à regagner ma chambre et prétexter un malaise.
Le lustre de ma chambre y avait été placé en un temps précédant celui de ma naissance et avait l'air aussi mal en point que moi. Il rendit l'âme de façon prémonitoire dans le courant de cette après-midi là. Je dût donc oublier mes envies de soirées en solitaire. Impossible de passer du temps avec mes livres dans une pièce noire. Je fût donc obligée de me rendre à la retro calypso party, tenue locale exigée. Voir mes compagnons de décrépitude se pavaner dans des tenues bariolées et échancrées aurait du m'enchanter, me remplir d'une joie amère et narquoise mais quelque chose freina mon enthousiasme retrouvé.
Parmi les clients, mon regard croisa le visage d'une personne que je n'avais pas vue auparavant. Elle semblait comme émerveillée par l'effervescence qui avait gagné nos congénères qui courraient en tout sens, s'échangeaient paréos et calicots pour se parer au plus vite des couleurs de la fête. Son attitude de totale confiance en la situation et de sérénité très orientale contrastait avec la cohue environnante. Au premier regard posé sur son profil, j'en tombais éperdument amoureuse. Elle tourna la tête vers moi. La pleine expression de son visage me rendit grabataire, asthénique et considérablement inutile.

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Dessins
  1. Wroclaw
  2. Wroclaw
  3. Wroclaw
  4. Wroclaw


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